L’année 1956 marque, dans le champ culturel roumain, un moment de rééchelonnement, conséquence d’une tentative de « reforme » envisagée par le gouvernement Dej, en particulier après la publication du célèbre rapport secret de N. Khrouchtchev sur les crimes de Staline. Sans s’écarter des principes jdanoviens concernant la littérature engagée sur la voie « royale » du réalisme socialiste, le discours critique, tel que l’on peut repérer dans la presse politique de l’époque, porte les traces d’une orientation « révisionniste » qui suppose une réévaluation de l’héritage littéraire du passé. Cette tentative de récupération du passé, mise aux services de l’idéologie officielle, sert à la légitimation symbolique du pouvoir, qui s’était construit une image selon le modèle de l’utopie politique lénino-stalinienne. Dans le discours critique de l’année 1956, l’utopie livresque parvient donc à légitimer l’utopie totalitaire.