Placée dans une fable qui revient obsessivement au thème mythique de la « terreur de l’Histoire », la figure féminine qui accompagne, dans les romans de la génération des années ’60, celle du chercheur de l’idéal, héritier des illustres utopistes de la littérature (de Christ à Don Quichotte, Hamlet, Faust et leurs avatars du roman parabolique du XXème siècle), se subordonne, tout comme le protagoniste de la quête initiatique déclenchée par une crise existentielle (une intériorisation de la crise de l’Histoire), au régime imaginaire du double. Cette obsession du double qui atteint toutes les structures romanesques, de l’architecture narrative jusqu’aux figures de l’imaginaire, travestit la profonde schizoïdie de l’Artiste qui est également l’homme en proie de l’Histoire s’efforçant de refouler une culpabilité aliénante, et, au niveau de la fiction consolatrice, le héros lancé dans le combat contre les ténèbres. Les deux aspects de la figure féminine, qui se trouvent dans un équilibre compensatoire impliquant la dialectique du profane et du sacré, correspondent aux deux projections susmentionnées : associée aux représentations symboliques de la terreur de l’Histoire ou, par contre, à celles de l’utopie qui en échappe, la femme s’inscrira également dans la sphère du décadentisme et dans celle de la rêverie maternalisante. La vierge dégradée, la sibylle-prostituée, la mère terrible, la femme fatale, séductrice et funeste, ou la « folle » marginalisée sont quelques hypostases de cette figure symbolique, les « masques » sous lesquels se dissimule, d’une part, un message politique subversif visant la dénonciation de l’échec de l’utopie officielle et, d’autre part, à un niveau latent, l’angoisse du créateur confronté à sa nature humaine.