Les autoportraits contemporains d’artistes femmes semblent souvent se caractériser par une mise en doute de ce qui communément définissait ce genre : la ressemblance, l’idéalisation, l’unicité de l’être… Les recours aux miroirs et aux doubles, aux travestissements et à la mise en scène, ou encore aux hybridations et aux transformations du corps, abondent dans les pratiques autoportraitiques européennes et participent de cette déconstruction identitaire. Pourtant, c’est bien en tant que femme, à la fois sujet et objet de l’oeuvre, que ces artistes créent, jouant précisément des stéréotypes et des fantasmagories liées aux représentations féminines pour mieux les détourner. Partant de ces différents constats, nous proposons d’étudier ces autoportraits à travers la figure de Méduse. Ambiguë et paradoxale, cette dernière incarne différentes représentations de la femme : celle séductrice dans la littérature, celle castratrice en psychanalyse, et celle de l’indistinction, de la mort et de l’Extrême autre dans la mythologie. Cette conception mythique nous semble particulièrement intéressante car elle place l’altérité au coeur même de l’autoportrait. Or, les artistes femmes n’interrogent-elles pas précisément cette altérité comme l’autre de soi qui nous regarde, nous juge, nous désire ? Et plus encore, ne révèlent-elles pas cet autre en soi qui nous constitue et nous hante ? En utilisant les paradigmes méduséens (pouvoir du regard, visage-masque, prolifération, hybridation, monstration), nous étudierons de manière croisée les autoportraits photographiques de Claude Cahun, d’Annette Messager et d’Orlan, pour mettre en évidence la façon dont ces artistes déconstruisent les modèles féminins et réinventent leur identité et plus généralement l’image de la femme.